J’ai toujours aimé voyager. Je penses que je l’ai déjà un peu dans mon ADN.
Le voyage dans le sang
Je suis moitié française, moitié espagnole. Mes grands parents sont venu en France pour leur nuit de noce. Ils n’en sont jamais partis. J’ai une double culture, une double identité. Tous les étés, on traversait la frontière pour aller voir les cousins au village. Un peu comme les marocains qui traversent la péninsule ibérique en voiture chargée à bloc pour aller au bled.
A la maison on parle français et espagnol. Ou plutôt on parle frangnol, parce qu’avec les années les grands parents ne font plus vraiment la différence entre les deux langues. C’est un joli mélange de couleurs et de saveurs, riche en accent.
Quand j’étais petite on me donnait des pesetas pour m’acheter des bonbons pendant les fêtes, mais on m’en donnait toujours trop. D’une année sur l’autre je ne pouvais pas dépenser tout cet argent, parce qu’en France on utilisait le franc. C’était de l’argent que pour les vacances. L’arrivée de l’euro, à l’adolescence, a changé beaucoup de choses.
Je crois que j’ai mis 20 ou 28 ans à comprendre ce que ça veut vraiment dire d’avoir une double culture. A comprendre que mes grands-parents ne savent pas vraiment parler français. Et que leurs expressions en espagnol commencent un peu à dater de l’avant guerre. Mais au fur et à mesure que je fais des aller-retours entre le sud et le nord des Pyrénées, je commence à comprendre des choses. Je nous observe d’un point de vue externe. Je rigole souvent quand je me rend compte que ma mamie est un peu comme les mamies juives dans les films.
Mon pays
Quel est mon pays ?
– « Papi, en France on nous appelle les espagnols, et au village on est les français. Mais nous on est français ou on est espagnol ? »
– « Eres un poco de los dos, tu prends le meilleur de chaque culture, ch’est meilleur commé çha ! »
Je penses qu’inconsciemment, j’ai toujours considéré que mon pays c’est la région des Pyrénées. La frontière nord s’arrête à Bordeaux, la frontière sud à Madrid, qui en est la capitale. Avant l’âge de 25 ans, j’ai passé beaucoup plus de temps à Madrid qu’à Paris. Maintenant j’ai peut-être équilibré les deux capitales ? Mais c’est pas très important.
Pour moi, mes concitoyens, les vrais : c’est ceux qui parlent français et espagnol. Ceux qui comprennent le frangnol de papi. Eux, ils ont une culture qui ressemble à la mienne. J’ai mis longtemps à m’apercevoir que cette communauté là n’est finalement pas si large que ça, et que j’ai baigné dedans sans m’en rendre compte.
Il y a plusieurs avantages à naître dans une double culture :
- Les enfants apprennent plus vite des langues étrangères. On m’a toujours dit « Si tu connais deux langues latines, la troisième est offerte » Et c’est vrai. Aujourd’hui je parle 5 langues, et je comprends facilement les langues latines dans lesquelles je baigne quelques jours.
- Les enfants bilingues sont plus facilement amenés à ressentir de l’empathie envers l’autre. Il se met dans ses bottes. Ils sont habitués à se trouver dans des situations où l’interlocuteur ne comprends pas tout ce qui se dit. Ils ont l’habitude de faire un effort pour traduire et se faire comprendre en fonction des connaissances de l’interlocuteur.
- L’enfant avec une double culture part dans la vie avec une zone de confort deux fois plus grandes que les autres. Il est habitué à se trouver dans des situations où il ne maitrise pas tout, il ne comprends pas tout. C’est peut-être un peu plus long au départ, mais arrivé à l’âge adulte c’est une telle richesse !
- Les enfants bilingues sont meilleurs en mathématiques.
C’est étrange n’est-ce pas ? Mais en effet dans mon lycée bilingue, la plus part d’entre nous avons choisit un cursus scientifique au lieu d’aller à la facilité vers les langues. C’est simplement dût au fait que l’on est plus à l’aise avec l’abstrait et le passage de l’abstrait au concret. Par exemple transformer une formule d’algèbre en graphique, c’est de la traduction. - On a le choix de la culture que l’on souhaite adopter principalement en fonction de notre personnalité. Il n’est pas rare de voir dans une fratrie un frère plus français que l’autre. C’est étonnant, mais tellement naturel de se rapprocher de l’ambiance dans laquelle on se sent bien.
- L’erasmus est un choix logique pendant les études. Je ne sais pas ce que je veux étudier, mais ce sera en Erasmus. J’ai besoin de rencontrer d’autres jeunes comme moi, qui parlent plusieurs langues.
Si j’ai un conseil à donner aux parents c’est de donner la possibilité dès que possible à l’enfant de parler deux langues (ou 3 ou 4). Avant l’âge de 7 ans, les enfants sont des éponges, ils comprennent très vite. Chaque parent du couple peut parler une langue à l’enfant. La nounou aussi, ou une fille au pair, des professeurs …
Bref, je comptais écrire un article sur le voyage en général, et au fur et à mesure des lignes c’est de ma famille dont je te parle. Je te raconterai une autre fois comment j’ai été piquée par le virus du voyage et en quoi mes séjours à l’étranger m’ont beaucoup appris. Je ne serai pas moi si je n’avais pas vécu 5 ans à l’étranger.